Le travail est une problématique qui ne se laisse pas aborder à partir d’une définition typique. Pour étudier le travail, les sciences sociales proposent différentes réponses; pour certains c’est un phénomène anthropologique propre à l’être humain dans son rapport avec la nature. Il faut nécessairement le prendre dans un rapport du temps et de l’espace qui lui donne forme.
Par Jean Caleb Patrick SYNORD
7 décembre 2024 | presseeminence.com
Le travail est une problématique qui ne se laisse pas aborder à partir d’une définition typique. Pour étudier le travail, les sciences sociales proposent différentes réponses; pour certains c’est un phénomène anthropologique propre à l’être humain dans son rapport avec la nature. Il faut nécessairement le prendre dans un rapport du temps et de l’espace qui lui donne forme. Il y a plusieurs approches de concevoir le travail, tantôt: il est associé à la pénibilité (Arendt 1961, Volkoff 2006), tantôt à ce qui permet de se donner du sens (Hanique 2004, Dujarier 2006).
Karl Marx aborde le travail comme « un processus dans lequel l’être humain, par une action physique, transforme la nature en quelques choses qui lui est utile ». Dans cet ordre d’idées, on peut considérer le travail comme toute activité à vocation productive. En Haïti, 70 à 75% de personnes sont dans l’incapacité de satisfaire leurs besoins fondamentaux, même si une frange de la population sont travailleurs, travailleuses, mais sont restés pauvres parce que ça ne les permet pas de sortir de leurs zones d’inconforts, de la pauvreté et du chômage.
Ce n’est un secret pour personne que le chômage constitue à l’heure actuelle une frontière sociale pas seulement en Haïti, mais partout dans le monde. Notre pays est confronté à des problèmes d’emplois massifs. Suivant le dernier bilan de la banque mondiale, en 2016, 4,8 Millions d’habitants étaient estimés comme population active, cependant 70%, représente le taux de chômage.
Cette évolution du chômage prend siège à cause d’une faible création d’emploi, insuffisance ou inadaptation des qualifications, un handicap de santé, âge, un faible niveau de formation scolaire et d’insertion sociale. Il est important de pouvoir analyser les causes de ce phénomène de manière à pouvoir déterminer s’il n’est que transitoire.
Sans doute si la croissance économique peut transformer les sociétés, augmenter les revenus et favoriser l’épanouissement des populations, ce n’est pas une condition suffisante. Pour réduire cette pauvreté ronflante, il faut promouvoir une prospérité partagée, la croissance doit créer plus d’emplois et être de qualité pour tous. C’est un défi urgent de créer le plus d’emplois possibles d’ici 2025 pour suivre le rythme d’une croissance progressive.
Chez nous en Haïti, du manque d’expérience au salaire insuffisant, en passant par la mobilité géographique difficile, c’est devenu un cas d’étude très précaire que nous vivons au quotidien. Les jeunes diplômés d’université et des écoles professionnelles ne font que résister tant bien que mal au contexte économique très tendu à la flambée du chômage.
Ce fléau socio-économique et politique concerne plus d’un, car il a des conséquences directes et indirectes sur la société haïtienne. La première conséquence du chômage est la perte du pouvoir d’achat, la seconde est la perte du lien social, et ça arrive même à toucher des vies conjugales. Un chercheur étranger a réalisé une enquête, en 1987, 43,5% des hommes au chômage au-delà deux ans avaient vécu une rupture conjugale. Le chômage est devenu l’une des principales causes de l’exclusion sociale.
De 2010 à nos jours, Haïti vit des affres d’une grave crise sans précédente : le flux migratoire haïtien vers d’autres horizons, le manque de rigueur des élites politiques et économiques… La manifestation de la volonté de ne pas investir en Haïti est due à la maladresse, à la méchanceté de l’État qui, dans son rôle régulateur, doit garantir à des investisseurs étrangers un meilleur accompagnement que ce soit sur le plan sécuritaire, mais aussi sur le plan administratif.
Par ailleurs, à cause du chômage, il y a le flux migratoire qui est devenu si intense que les causes sont souvent entremêlées. Confrontés à une extrême pauvreté et ne voient d’autre possibilité que de partir pour soutenir leur famille ou leur communauté, certains partent pour des raisons économiques; d’autres partent en fuyant les luttes politiques, les conflits ethniques, religieux, les violations des droits de l’homme, d’autres sont des demandeurs d’asile.
Or tout ceci est de constater qu’il y a une migration d’intelligence qui se fait. Des étudiants partent vers d’autres pays. Cette migration étant attachée à la volonté d’aider sa famille, convient aussi à fuir les zones rouges, les zones à risques; la communauté haïtienne hors de nos frontières représente plus de 2 millions.
Alors, une décennie depuis cette vague migratoire massive. Où en est-on? Il faut, pour réduire le taux de chômage,
– ouvrir un marché du travail à la jeunesse ;
– créer un climat de sécurité pouvant garantir les investisseurs locaux et internationaux de s’installer en Haïti ;
– encourager l’initiative juvénile, la création d’entreprises par les jeunes ; alors là, le problème de l’insertion des jeunes est avant tout un problème d’emploi,
– alléger la fiscalité des entreprises pour stimuler les entrepreneurs et ainsi favoriser la création d’emplois;
– adapter un système éducatif aux évolutions de la société.
Nous nous confrontons à un problème éducationnel très élevé mais aussi très inégal, marqué par un déterminisme social très important. Il faut outiller les jeunes en les rendant qualifiés pour qu’ils aient quelques choses à proposer sur le marché du travail.
Aussi faut-il souligner que le chômage joue grandement un rôle dans la montée du phénomène d’insécurité galopante qui gangrène la société. Il est de toute urgence revoir le système sécuritaire et réviser les lois de l’investissement en Haïti puisque le chômage, la sous production constituent parmi les problèmes majeurs d’Haïti.
Par Jean Caleb Patrick SYNORD
Juriste, Étudiant en Psychologie