Plus d’un siècle sépare l’occupation américaine de 1915 et la crise sécuritaire de 2025. Mais une constante demeure: l’exil forcé des haïtiens, poussés à quitter leur terre pour nourrir les économies étrangères.
Par Gédéon EUGÈNE
15 septembre 2025 | presseeminence.com
1915 reste une année fatidique dans l’histoire d’Haïti. En décembre 1914, les marines américains débarquent à Port-au-Prince et pillent les réserves d’or du pays. Déjà accablé par la double dette de l’indépendance, Haïti subit une nouvelle spoliation par une puissance étrangère.
En juillet 1915, sous prétexte d’instabilité politique, les États-Unis occupent le pays, invoquant la doctrine de Monroe: « L’Amérique aux Américains ». En réalité, leur objectif est clair: asseoir leur domination sur Haïti. La loi martiale est instaurée, les droits des haïtiens bafoués, et des abus graves sont perpétrés: arrestations arbitraires, répression des manifestations et exploitation forcée. Beaucoup de citoyens sont contraints de fuir le pays pour Cuba et la République dominicaine, où l’occupant encourage leur main-d’œuvre dans ses entreprises. L’exil devient alors un outil de contrôle, et non un choix.
Plus d’un siècle plus tard, l’histoire semble se répéter. Haïti est aujourd’hui confronté à une crise sans précédent: la prolifération des gangs armés. Des quartiers entiers sont déclarés « territoires perdus », la circulation des personnes et des marchandises est paralysée, et la peur s’installe dans le quotidien des haïtiens. Le sentiment d’incertitude et de survie domine.
Contre toute attente, au moment où l’insécurité est à son pic, un programme humanitaire, dit « programme Biden », tente d’attirer les haïtiens vers les États-Unis. Le parallèle historique est frappant: tout comme l’occupant encourageait autrefois l’exil vers Cuba et la République dominicaine, aujourd’hui les haïtiens se voient contraints de fuir l’oppression des gangs pour contribuer à l’économie étrangère. Il est tragique que, pour beaucoup, le territoire de l’oppresseur soit perçu comme un « paradis terrestre », alors qu’Haïti, riche de sa culture et de sa jeunesse, reste sous la menace de la violence et de la domination hier coloniale, aujourd’hui gangstérisée.
L’histoire d’Haïti n’est pas une succession de catastrophes naturelles ou de malchances. C’est l’histoire d’un peuple trahi par ses élites et exploité par des puissances étrangères. Chaque départ, chaque exil, chaque fuite vers l’étranger est le symbole d’un échec collectif à protéger ceux qui devraient être les maîtres de leur propre destin. Et tant que les gangs, la corruption et l’indifférence internationale continueront de dicter la vie des haïtiens, le pays restera pris en otage dans un cycle d’oppression qui ne connaît ni fin, ni justice.
Haïti mérite mieux. Et il est temps que l’Intelligentsia haïtienne le comprenne.
Gédéon EUGÈNE
Gestionnaire, Étudiant finissant en Sciences économiques